« Le temps passe ».
Le temps passe-t-il vraiment ?
Passerait-il comme de l'eau qui coule, comme un fleuve ?
Ou comme les trains ?!
Oui le temps serait un train qui passe et nous, les vaches !
Les vaches, les vaches qui regardent passer le temps.
Eh bien non, ce n'est pas comme ça !
En fait, nous sommes le train ou si vous préférez, nous sommes dans le train, nous courrons dans le train !
Depuis la fin du siècle dernier nous ne courrons pas dans le fil du temps de la naissance à la mort ; nous courrons en tout sens et parfois même en rond ! Et les vaches me direz-vous ? Elles nous regardent en ruminant ?
Eh bien même cela n'est plus tout à fait juste. Car, pour que les vaches soient bonnes à tuer plus vite, on les a nourri de cadavres et elles sont devenues folles !
Et je viens même d'apprendre qu'on les modifie génétiquement pour qu'elles n'aient plus à ruminer. Oui les vaches ne vont plus ruminer car c'est une perte de temps et le temps c'est de. de. ? De L'ARGENT !
C'est quand même curieux, ruminer, réfléchir, hésiter, penser, se tromper, trouver, créer, tout cela c'est du temps, du temps qui ne compte pas, qui ne se compte pas.
Pourtant les deux plus grands mythes de l'Occident qui sont-ils ? Moïse, or il bégayait ! Et Odipe, or il boitait !
Il faudrait peut-être y réfléchir non ? Mais bien sur on a pas le temps. Oui, c'est paradoxal : je veux vous parler du temps et je n'ai pas assez de temps, le temps est un paradoxe !
Le temps est une illusion. Les physiciens nous apprennent même qu'il n'existe pas ! En tous les cas pas dans cette représentation si simple, si familière du temps qui coulerait comme un fleuve.
Par quel mécanisme « demain » finira-t-il toujours par devenir aujourd'hui ?
Je répète, il faut répéter pour réfléchir, pour penser, pour comprendre :
Par quel mécanisme « demain » finira-t-il toujours par devenir aujourd'hui ?
Bon, on va laisser cette grande question aux physiciens et s'occuper dut temps humain, quotidien, celui qu'on mesure avec les horloges, celui qu'on monnaye avec les pointeuses, le temps qu'on perçoit, le temps psychologique.
Mais même celui-ci n'est pas si simple à penser !
Une minute. Une minute c'est court si on est heureux mais long si on souffre. C'est court quand on dit au revoir à l'être aimé sur le quai d'une gare , long pour qui attend le retour du train où est celui ou celle qu'on aime.
(Là il me manque une page et je n'ai pas le temps de retrouver ce que je vouais dire pour l'instant ! Je pense que je développais le fait qu'on nous fractionne le temps, on l'éclate, les heures sup, les RTT, les évaluations, les objectifs chiffrés etc. nos vies sont occupées, comme le pays le fut pendant la guerre !)
En fait on est assiégé ! Jaures disait « que les chaines étaient au cour », dans les cours du peuple.
On est occupé, on nous occupe depuis tout petit, on occupe notre temps : plus le temps de rêver, de grandir, d'apprendre, de se tromper, de recommencer, de s'ennuyer, de se perdre et de se retrouver.
On nous vole le temps et quand on est occupé c'est plus difficile d'organiser la résistance, pourtant c'est vital de résister collectivement !
Qu'est-ce qu'on fait quand on a le temps , quand on ose la lenteur ? On marche le nez en l'air, la tête droite, on regarde le monde, on l'interroge. On regarde loin, on s'approprie l'espace jusqu'à l'horizon.
Connaissez-vous les premiers mots de l'hymne zapatiste ?
« Ya se mira el horisonte », « on aperçoit déjà l'horizon »
Voilà pourquoi on nous vole le temps, pourquoi on veut clouer la langue dès l'école, clouer les mots au tableau, clouer les femmes et les hommes comme des insectes sur une planche d'entomologiste.
Pas le droit de marcher, de s'installer, de repartir, pas le droit d'apprendre, de se tromper, d'hésiter, de penser, de construire ! Il faut du temps pour construire collectivement.
On nous somme de donner nos solutions, là, tout de suite, notre programme. « Vous avez des solutions ? Vous ne voulez pas de cette constitution, OK mais quel est votre plan B,8 ». « Vous ne voulez pas du CPE mais qu'est-ce que vous proposez à la place ? Et le trou de la sécu, qu'est-ce que vous proposez ?
Répondez, répondez ! ». « Puisque vous ne savez pas, laissez vous faire alors, allez voter, laissez nous faire puisque vous ne savez pas » ! « Allez voter, ça ne prend que 5 minutes » a écrit Laurent Fabius dans le Monde en avril 2001. « ça ne prend que 5 minutes » et on en a pris pour 5 ans et ça fait 20, 30 ans qu'on attend !
Mais attendez, attendez, rien n'est perdu !
On ne perd pas son temps lorsqu'on perd les batailles.
La seule manière de voir le temps c'est de regarder ses traces et les luttes ça laisse des traces, des sillons où germent des désirs, des rêves.
Notre agenda n'est pas le leur, celui de ceux d'en haut, celui des médias.
Le peuple marche à un autre rythme, il ne vise pas les échéances électorales, l'immédiat. Il pense l'avenir, c'est plus lent mais ça avance ! C'est plus lent mais plus ambitieux. Nous avons plein de points de suspension, le mot « fin » n'a pas de sens quand on voit loin. Quand on va lentement on ne doit pas s'arrêter de respirer, de penser entre deux élections par exemple !
Le peuple est tenace.
Demain finira toujours par devenir aujourd'hui, nous sommes mortels et nous le savons mais la vie n'est jamais morte elle !
Nous avons le dur désir de durer. Le collectif nous console de la mort. Hasta la victoria siempre !
Août 2005 ?
Aline Pailler
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